journées de l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne

Par Jean-Jacques Tyszler

Nous sommes rattrapés par une « clinique de l’acte » mais au delà de sa description d’évidence qu’appelle-t-on, en psychopathologie, un acte ? Peut on parler d’un acte isolé sans un contexte ? Et particulièrement sans la rencontre d’une forme de « discours »?

La psychiatrie et la psychanalyse apportent-elles à cette actualité des clés de lecture qui leurs soient propres ?

La notion même de « passage à l’acte  » est mise en valeur par Jacques Lacan au long de son séminaire : dans celui sur « l’Angoisse » également dans « La logique du fantasme », curieusement moins dans celui intitulé « L’acte psychanalytique. »

Lacan appuie sa démonstration sur les grands exemples freudiens, les observations de « Dora » et de « La jeune homosexuelle. »

Retenons du côté du passage à l’acte le mouvement vers, la chute, la traversée du cadre du fantasme, l’identification à l’objet de rebut …

Du côté de l’acting out par contre la demande d’une interprétation forcée, une monstration qui appelle un déchiffrage, un essai de symbolisation.

Dans son ouvrage « Patronymies » Marcel Czermak a proposé des mises au point très éclairantes sur la distinction entre ces deux versants de la clinique de l’acte : lorsque le sujet voit s’adresser à lui une interpellation qui touche en lui un point inabordable, indialectisable, c’est à dire une parole qui est reçue comme un acting out, il y répond automatiquement sur le mode du passage à l’acte.

Ainsi passage à l’acte et acting out forment un alliage, d’avantage que deux matières distinctes.

Nous savons comment certains actes peuvent-être le fruit d’un transfert sauvage sur telle figure qui a croisé le chemin voire sur tel bout de texte ou telle voix rencontrés sur les réseaux connectés.

Les experts psychiatres en savent long sur la façon dont un jeune va brutalement se désaffilier, incapable de recevoir les signifiants du pacte et de l’alliance, et se précipitera dans l’acte, en allant même parfois chercher appui sur l’automaticité de son nom propre comme on le voit chez le psychotique.

La clinique de l’acte ne concerne pas que les questions les plus graves et il est à souligner combien la rencontre d’un homme et d’une femme est ordinairement psychopathologie quotidienne du point d’acte.

Un homme sera aisément dans le laisser tomber, le laisser déchoir, sans qu’il pense devoir justifier de ses raisons et de ses façons ; le traitement objectal de son fantasme lui fera tourner une page sans égards. Pour une femme une aventure charnelle même brève nécessitera longtemps tentative de déchiffrage et de signification.

Il y a une clinique de l’acte qui est hétérogène au regard de la castration. Néanmoins nous sommes attendus sur la brutalisation croissante de notre société ; l’angoisse, la peur, l’effroi nous amènent la plupart du temps  à des réponses  réflexes, du tac au tac. Ripostes mimétiques qui augurent mal des solutions aux problèmes posés.

Pouvons nous mieux dire, mieux proposer ? C’est le défi porté par ces journées.