La mise en place progressive au fil des années de l’exercice du trait du cas se confond avec l’histoire de l’École Psychanalytique de Sainte-Anne. Ce travail qui, à partir d’un entretien unique, ambitionne d’isoler la particularité de la position d’un patient et de qui l’examine, repose sur une rigueur dont on peut préciser ici les enjeux fondamentaux :

— Il s’origine dans la présentation de malades de Jacques Lacan qui se tenait l’Hôpital Henri Rousselle situé au sein de l’Hôpital Sainte-Anne. Marcel Czermak, praticien hospitalier dans ce service, en a assuré pendant plusieurs années le bon déroulement.

— L’initiative de Solange Faladé, de faire transcrire ces présentations cliniques par une sténographe de l’Assemblée nationale a certainement rendu possible une pratique du verbatim de ces entretiens.

— A la mort de Jacques Lacan en 1981, cette activité a été a fixée par Marcel Czermak en alternance un temps avec Charles Melman toujours à l’hôpital Henri Rousselle. La préoccupation primordiale a été de maintenir l’attention à la parole des patients et à la transcription précise de celle-ci. Cet effort, confrontant le transcripteur à la distinction entre l’oral et l’écrit, constitue en lui-même un exercice clinique souligné avec insistance par Cyril Veken.

— La pratique du trait du cas qui consiste à présenter le nouage de la théorie et de la clinique permet de spécifier la singularité de chaque patient et l’exploration de pistes de recherches inédites.

— Enfin, cette opération clinique que constitue chaque présentation ne peut que contribuer à des préliminaires d’un « traitement psychanalytique possible des psychoses ».

Signification psychanalytique du syndrome de Cotard, du syndrome de Fregoli et de Capgras, du transsexualisme ou de l’amnésie d’identité, nombreux sont les apports de l’École Psychanalytique de Sainte-Anne au cours des trente dernières années. Il est sensible que les pistes ouvertes par ces situations n’ont pu se constituer qu’à la faveur d’une élaboration orientée par la théorie lacanienne et que Marcel Czermak a mis en œuvre voire à nommer une psychiatrie lacanienne.

Cet exercice du trait du cas illustre ainsi l’effort d’un travail de recherche qui, comme le formulait Philippe Chaslin, vise à constituer la clinique comme « une langue bien faite » et se présente comme un effort de rigueur héritant avant tout de la psychose elle-même, au sens où, comme l’indiquait Marcel Czermak, que « nos véritables maîtres, ce sont nos patients eux-mêmes ».

 

Nicolas Dissez