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Troubles de l’humeur, Bipolarités : l’oubli moderne de la Psychose Maniaco-Dépressive

journées de l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne
les 11 et 12 octobre 2014
Centre Hospitalier Sainte-Anne, Amphithéâtre Raymond Garcin, de 9h30 à 17h30, 1 rue Cabanis – 75014 Paris

Qu’appelez-vous bipolaire ?

Par Jean-Jacques Tyszler

La bipolarité est devenue un signifiant chic, à la mode ; il y a un certain nombre de termes psychiatriques qui sont dans le gout de l’époque comme Asperger pour l’autisme de haut niveau.
Bipolaire évoque la nostalgie d’un monde où s’affrontaient deux super puissances ; les choses étaient simples et claires ; aujourd’hui les forces politiques sont nombreuses à revendiquer leur droit à être les gendarmes du monde.
Le danger vient également de partout, le sentiment d’insécurité est multipolaire.
La suggestion peut aussi venir du motif plus inconscient de la bisexualité ; Freud en avait fait une étape du développement mais ce motif s’affiche désormais comme un libre choix de la sexualité.
« Je suis bipolaire » est devenu l’affirmation d’une identité autant que le nom d’un trouble comme il est dit pour ne pas parler de maladie.
Pour le psychiatre la bipolarité a remplacé la psychose maniaco-dépressive, la manie et la mélancolie ; comme pour l’autisme le spectre de la bipolarité s’est étendu bien au-delà des catégories traditionnelles dans une sorte de continuum allant du caractère jusqu’aux épisodes très pathologiques, faisant naturellement le lit et la fortune d’une clinique de l’industrie pharmaceutique.
Cette dérive est très bien décrite par nos collègues américains : inflation des diagnostiques y compris chez les enfants et surmédicalisation en rapport.
Bien entendu selon l’idéologie scientiste en vogue, la bipolarité a une cause génétique et des mécanismes biologiques excluant toute approche psycho-dynamique ; comme pour l’autisme encore il faut s’attendre à une sortie prochaine de la nosographie des maladies mentales.
Bipolaire devient une façon différente d’être au monde, néanmoins régulée par les médicaments. Ce paradoxe apparent, recours accru à la prescription d’un côté et refus des classifications de l’autre, est à mettre en rapport avec les changements en cours dans la relation médecin malade : le savoir est à parité et l’addiction devient une norme.
Le patient bipolaire est au centre de la déconstruction en cours de la psychiatrie classique et du refoulement systématique de sa rencontre avec la découverte freudienne.
Ce qu’on appelle « trouble de l’humeur » n’a rien à voir avec les formidables descriptions des médecins de l’antiquité , grecs en premier lieu.
Manie et mélancolie sont inscrits au patrimoine de la culture et nourrissent comme peu de mots la peinture et la poésie d’une traite jusqu’au moment de l’aliénisme en France et en Allemagne.
La folie maniaco-dépressive fixera les coordonnées d’une psychose riche de complexité comme l’est la paranoïa.
Peu s’alarment de la disparition du trésor de la clinique classique, bien des psychanalystes la jugent même inévitables préférant surfer sur les idées nouvelles.
Il faut situer les difficultés dès les élaborations de Freud : dans son article d’une grande profondeur « Deuil et Mélancolie », Freud pose la question, qu’est ce qu’un deuil ? Pour chacun l’expérience du deuil est un savoir ; l’occasion forcée de donner sens à son existence et de s’interroger sur l’amour qui nous relie aux autres. Qu’est ce que le travail du deuil ? L’idéalisation de l’être disparu, ce qui fait trait d’identification dans l’inconscient ?
Qu’est ce qu’un deuil pathologique et encore cet autre bord de la perte qui ne fait pas savoir et qui se nomme mélancolie …
Freud interrogera sans relâche son ami Karl Abraham mais sera déçu par la réponse ubiquitaire que propose la notion de surmoi.
Freud n’ira pas chercher son appui dans les connaissances psychiatriques de son époque si bien que la coupure entre le deuil et la mélancolie est restée en pointillé chez les psychanalystes les laissant fragiles face aux neurosciences.
Nous devons à Marcel Czermak les propositions lacaniennes de lecture de la manie et de la mélancolie ; sujet sans défense face à la grande gueule de l’Autre pour le maniaque, sujet ravalé au rang de l’objet monstrueux demandant son retranchement pour le mélancolique.
Cette psychiatrie lacanienne nécessite d’en passer par une topologie combinant la dimension de l’Autre, du corps et du signifiant, et celle de l’objet cause du désir.
C’est à l’occasion du séjour d’une patiente hospitalisée que Marcel Czermak a redonné valeur et signification au fameux syndrome de Cotard, non seulement forme délirante de la mélancolie, mais véritable carrefour nosographique tel que le cas du Président Schreber le montre à ciel ouvert.
Qu’une négation puisse venir du Réel pour structurer un délire des négations est d’un apport décisif pour notre compréhension d’une maladie qui ne peut se résumer à la forclusion de la métaphore paternelle.
A cet endroit la psychanalyse se doit de poursuivre son travail de casuistique mais aussi de théorie si elle veut s’opposer à la régression en cours dans l’abord d’une clinique qui est à la fois celle de la temporalité, celle de l’affect , celle de la passion, celle de l’objet …
L’abord transférentiel des patients a largement profité de l’expérience acquise depuis Freud et cela doit être rapporté pour que les autorités de santé ne méconnaissent pas systématiquement l’abord psychanalytique dans les recommandations aux praticiens et aux institutions.
Enfin nous conseillons de ne pas céder sur les mots et de garder dans l’usage ; manie, mélancolie et psychose maniaco-dépressive pour parler des choses que veulent recouvrir la bipolarité ou les troubles de l’humeur.

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