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Transmission

Par Marcel Czermak

Cette leçon du 25 janvier 1995 est extraite du séminaire de Marcel Czermak « D’une psychiatrie qui ne serait pas du semblant » tenu à l’hôpital Henri Rousselle dans les années 90/2000 dans le cadre de la Section Clinique.

 

Est-il vrai que la psychanalyse fasse changer de style ? C’est une question décisive !
Le style c’est aussi fonction de ce qu’on repère comme tel, ce que l’air du temps récupère dans ses mœurs. Par exemple : Prenez un homme en analyse, c’est un bon zigue, qui dit oui à tout, il est gentil, il ne peut rien refuser et puis au bout de quelques temps il devient teigneux, il mord quand on l’embête. L’analyse ne lui réussit pas, il a changé de style. Évidemment il y a la connaissance du style, le style d’une époque, le type de look.
Quand vous avez affaire à des réunions administratives de haut niveau, les pires vacheries peuvent être dites à condition que ce soit voilé ce qui indique à l’autre, par des moyens latéraux comment il va être tué. Du coup, il n’y a aucun risque juridique. Par contre si l’autre est traité de « canaille », le procès en diffamation publique est rendu possible.

 

Autre exemple : Prenez un psychanalyste, apprécié de vous. Il vous appelle un dimanche soir et vous interpelle : « J’ai besoin d’un papier pour telle revue ! Je sais que tu travailles cette question, alors nous attendons un papier de ta part » !
Alors, changer de style ? Il n’est pas dit que l’outrecuidance soit toujours entamable analytiquement. Ce faire implique des analystes qui aient changé de style.

 

Ceci est une entrée en matière de l’embarras concernant les questions d’enseignement.
La conjonction entre la psychanalyse et l’enseignement touchent ces questions qui d’une façon latérale, de remarques éparses, font un petit ensemble qui intéresse une question qui m’a été soumise dans un écrit – les questions de l’exclusion – qui essayait d’en rendre compte à partir du discours du Maître. Il ne semble pas que la dénonciation de ce discours permette de rendre compte en quoi que ce soit de la question de l’exclusion puisque ce même discours, pour autant que la loi du langage est la loi de la socialisation.
Le discours du Maître est un discours d’inclusion pas d’exclusion. Évidemment, il a ses conditions. Traiter une question actuelle à partir du discours du Maître pèche par un côté qui est de savoir qui est en position de S1. Si c’est la plus-value qui commande, c’est une plus-value qui par définition est anonyme et acéphale. En d’autres termes, ceux qui viennent occuper ce lieu-là, seraient-ils des gouvernements, sont eux-mêmes commandés par un objet qui les manipule comme des pantins. C’est l’impératif de la demande de l’objet, que nous pourrions appeler « l’impératif de la plus-value ». Il est très périlleux d’aborder ces questions sous l’angle du discours du Maître. C’est l’une des raisons pour lesquelles Lacan avait essayé de fabriquer en Italie un cinquième discours. Le discours du capitaliste resté sans suite.

 

Beaucoup de psychanalystes fabriquaient des discours ou des mathèmes de la perversion ou d’autre chose sans que Lacan y donne son agrément.
Ce qui définit un discours c’est qu’il fait lien social. Or, traiter de la question de l’exclusion implique de traiter de ce qui provoque la prolifération des phénomènes d’exclusion.On y reviendra.

 

Nous sommes devant ce qui est une défection du discours, dans une conjoncture où il est un élément tout à fait essentiel qui est la référence générale au développement de la science, qu’on qualifie de « discours » qui semble faire autorité pour tous.
Ce qui fait les fondements, l’universalité comme la communicabilité de ce « discours » tient essentiellement au rejet de toute question sur le sujet. Est-il envisageable qu’un « discours » qui étend son filet sur la planète avec la forclusion de la question du sujet, que ce dernier ne voie pas les questions même réapparaître sous des formes étranges et déguisées. Ce n’est pas parce qu’on a appuyé sur le bon bouton qu’il n’y a pas de réponses ailleurs dont nous ne pouvons même pas apprécier le caractère. Vous appuyez sur un bouton pour ouvrir une porte, c’est le lustre qui tombe. Quel rapport ? Ceci nous permet de parler de psychose sociale.

 

Donc, il y a des réponses ailleurs que là où elles sont attendues qui cachent leur nature. Nous sommes incapables de mesurer que ce sont des réponses dans un registre, à une question posée dans un autre. C’est ce que la Psychanalyse nous enseigne.
Lacan pouvait enseigner que le sujet forclos de la science, est ce que la Psychanalyse a à traiter quand le sujet lui fait retour en ses plaintes et ses symptômes.
Ce que la psychanalyse aborde, c’est la question de la vérité comme cause.
Éventuellement cause de la souffrance…mais tout le monde ne souffre pas. En tous cas, la vérité comme cause, là où la science en exclut le terme pour la réduire à l’opposition du vrai et du faux. Or, si la vérité est contestable, c’est parce qu’elle ne serait porteuse d’un défaut quelconque que par structure. Elle relève toujours d’un certain type de rapport à l’autre dans lequel chacun s’inscrit. C’est ce qui faisait dire à Lacan qu’une moitié de cette vérité gît dans cet Autre même, ce qui la rend impossible de la dire toute.
La question de l’exactitude, celle qui fonde le vrai ou le faux est d’un autre tonneau, puisqu’elle tient à une axiomatique qui par définition se passe de cet Autre. Elle peut fabriquer — c’est le cas delà plupart des axiomatiques mathématiques — des sujets qui n’ont rien à faire de l’Autre. Il est forclos par définition. La science est sans adresse. Ce qui nous amène à nous interroger sur la question de savoir si la science peut être dite « un discours ». Cela évacue du même coup le problème du fantasme. Là, on reprend des formules élémentaires : « le fantasme c’est ce qui rendrait le plaisir apte au désir. » Dégageant le problème du fantasme cela nous interroge sur la question de savoir à quoi sert la science. Si nous ne nous posons pas la question sous un angle philosophique mais du point de vue du marxisme, à quoi ça sert ? Il est clair qu’elle sert les discours de maîtrise. Nous y reviendrons.
Cependant, la science comme la maîtrise s’avèrent supportées par un fantasme de totalisation et d’universalisation. Ce sont des indicateurs cliniques importants dont l’une des conséquences est de masquer le manque-à-être central de l’être parlant, divisé par le langage lui-même.
En d’autres termes, l’avancée de la science, qui n’énonce ses formules qu’en évacuant toute division, installe un pur sujet, un sujet absolu. Certains savants, chez qui la vérité fait retour, au point de les rendre fous, quand ils ont opéré un franchissement. (Cf. Cantor, voire d’autres encore)
Comment créditer la science ? comme a pu l’écrire Lichnerowicz, grand mathématicien, parlait d’une ambition de comprendre qu’il qualifiait de besoin primaire de l’humanité.
Toute l’expérience analytique nous enseigne qu’il n’y a aucune pulsion épistémologique. Nous n’avons qu’une idée c’est d’oublier et sans arrêt recommencer.
Du même coup la science serait un cas local de la logique du fantasme. Nous savons que la science échoue à nous débarrasser des soucis ordinaires de l’humanité ; ce qui ne signifie pas qu’elle n’a pas du bon, mais ce n’est pas sans quelques maladies afférentes. Quand ce même Lichnerowicz peut écrire : « La physique nous offre une conception du monde ». Conception curieuse puisqu’elle ne parle pas de l’essentiel : Qu’est-ce qu’un père ? une filiation ? le courage ? la lâcheté… enfin tout ce qui fait que nous tournons tous autour d’insaisissables qui nous actionnent quand bien même nous pourrions nous illusionner sur une quelconque maîtrise, là même où nous avons évacué toute interrogation sur l’objet qui causerait le désir. Cet objet qui n’est pas celui de la science, quel est-il ?

 

C’est un problème politique ! Toute la vie sociale y prend appui comme s’en détermine. D’ailleurs, ceci éclaire toutes les valses politiques que nous pouvons entendre quotidiennement. Quel est le corrélat de cet objet sur lequel un dit social prend appui ? Quel est le corrélat de cet objet ? Ces questions sont tout à fait liées et incontournables. Quelle sorte de sujet devons-nous concevoir actuellement ?
En tous cas, un sujet n’est pas une entité. A cela quelques conséquences, puisque si c’est la science qui vaut pour Maîtresse, à partir de ces quelques petites prémisses, il devient complètement vain de prôner une amélioration de l’enseignement, de la formation voire de l’information. La transmission de ce savoir ne peut être que conforme à ces prémisses d’exclusion subjective. La suite ne peut qu’y être tout à fait conforme. Augmenter ces conséquences inaperçues, c’est-à-dire qu’à l’intrusion galopante et triomphante de la science, répond l’inflation effroyable — pour reprendre les termes de Jones — du triple champ de la haine, de la culpabilité et de la crainte.
Simultanément, nous assistons au déploiement des magies, des guerres de religion et des phénomènes ségrégatifs de tous ordres. Choses lisibles, élémentaires dans tout ce qui nous advient.
Là, où la science collabe le besoin à la demande, Castoriadis se demandait : Qu’est-ce qui fait que nous aboutissons « à un faisable que ne bride aucun souhaitable » ? Si c’est faisable, on le fait. Raison pour laquelle les comités de sages prolifèrent. C’est « faisable » est-ce pour autant souhaitable ?

 

En d’autres termes, nous tombons là sous le coup de ce qui se présente comme un impératif généralisé. Alors, resurgit cette magie qu’il ne suffit pas de traiter, comme beaucoup, de fausse science, puisque le qualificatif laisse intact le questionnement sur sa cause efficiente qui ne doit rien à la physiologie, mais qui nous inciterait plutôt à nous interroger sur ce qui est au principe du moindre effet de commandement pour un homme. Émerge également, forclos du symbolique de la science, un sujet absolu qui inonde le réel, à savoir ce dieu de la religion à qui est laissé la charge de la cause. Lacan avait déjà évoqué que le religieux formule sur le mode impératif les désirs supposés de ce dieu dont il recherche les bonnes grâces. Ces choses sont en marche. Il ne semble pas que dans notre vie sociale et politique nous ayons vraiment ébauché la réflexion sur les effets, en général glorifiés, de l’universalisation de la science et ses effets fracassants par leur immixtion dans les montages symboliques qui leur sont complètement hétérogènes.

 

L’histoire moderne nous montre qu’il n’y a nulle véritable homogénéisation des cultures, et qu’entre des systèmes symboliques hétérogènes des réponses dans le réel. Celles-ci cachent leurs réponses, leur caractère de réponse en général déconcertantes quand elles ne sont pas dramatiques.

 

L’une des difficultés auxquelles nous avons à affronter dans nos institutions, si on garde les yeux ouverts, est que la science elle-même a basculé du côté du Maître. Qu’est-ce que la place du Maître ?
Aujourd’hui, le Maître moderne répète à l’envi : « Nous ne sommes que vos représentants. Nous attendons que vous nous disiez ce qu’il faut faire. » éludant ainsi leur propre position d’agents. Ils font proliférer des commissions et des comités, sur la recherche, sur l’enseignement, sur les états généraux de la sécurité sociale, sur le Haut Comité de la Réforme Hospitalière… puis ils déclarent : « Vous êtes formidables ! Cependant qu’aucune réponse n’est donnée alors rien n’est résolu, de plus nous ne comprenons pas ce que vous nous exposez. Nous qui sommes dans l’action, il faut bien que nous décidions. »
Dans notre vie moderne, il y a un certain tour de passe-passe. C’est le cas où la science — comme les autre savoirs ou savoir-faire — passée aux mains du Maître lui permettent dans la dénégation ou la dissimulation de son pouvoir d’exercer des lois dont il n’a jamais à rendre compte du savoir d’où elles procèdent.
Qui peut dire de quel savoir découlent nos lois puisqu’elles sont élaborées par sondage, il arrive même qu’elles soient expérimentales à tester sur un département.
Du côté de nos hauts magistrats il nous est dit que les lois ne peuvent être que le reflet des mœurs. C’est la dénégation même de la fonction de S1 de la loi. Actuellement, la Maître a d’autant moins de comptes à rendre que le monarque absolu n’en a puisqu’il l’est de droit divin. C’est la fonction pure du souverain.
Nous ne sommes plus dans ce cas. Nous sommes dans un S1 qui a circonvenu tout le savoir passé à son service, alors qu’il est lui-même dispensé de produire son savoir propre, lequel n’est pas celui de la science, sans qu’il ne s’autorise d’une véritable souveraineté.
Quant à l’université, il est devenu clair que dans ses refus de collaboration — le refus est aussi souvent une forme de collaboration pour peu que ce soit à l’intérieur d’un même discours — elle a basculé au service du Maître.
Aujourd’hui, il n’est plus question d’unités de valeur mais d’unité d’enseignement. Nous venons de faire un petit pas en arrière. Il y a quelques années, il y avait eu le courage d’annoncer que l’université produisait des unités de valeur, au moment où les citoyens étaient saisis d’une frénésie des valeurs boursières. En 1986, les étudiants avaient demandé que leur soit garantie — dans leur angoisse — leur valeur d’échange sur le marché puisqu’ils ne voulaient pas être réduit à leur valeur d’usage, ils demandaient à l’être à leur valeur comptable de plus-value en économie libérale. Autrement dit, ceux qui veulent une place dans notre société la réclame dans les termes mêmes dont ils pâtissent. Ce qui indique comment un refus peut-être une collaboration. On appelle ça, en termes contemporains, “savoir se vendre” avec un plus, si possible capitalisable.
En Union soviétique, les choses étaient claires. Pour être professeur il fallait servir le parti qui était le vrai Maître. Ici la situation est plus camouflée puisque si nous préparons des plus-values, ce sont des plus-values incarnées. Il y a là un joint sensible dans notre presse et dans nos vies quotidiennes qui est un joint de cauchemar et d’angoisse que la science élude.
Rien ne sert de faire appel, comme il est fait dans la vie publique, à une bonne volonté quelconque. Les hommes n’ont, pour la plupart, jamais voulu connaître autre chose que ce qui les arrange. Le problème est affaire de structure. Ce qui convient c’est la cause du discours qui les fait produire. Or, la vérité est ailleurs, pas dans la production et que de surcroît elle est refoulée. Cela mérite un examen.
Comment trouver un cap là-dedans ? La culture n’aide pas.
Claude Jullien, rédacteur en chef puis directeur du Monde Diplomatique et de la revue Manière de voir, sensible à ce qu’avait été son expérience de la deuxième guerre mondiale, relevait comment sous Vichy des hommes de même culture pouvaient les uns sombrer dans la barbarie, les autres dans un courageux regard, toiser le monstre en face. « A quoi cela tient-il ?» se demandait-il. Ce sont des hommes de même culture. Il avait une réponse. La culture ne sert à rien dans ce cas. La question relève uniquement de ce qu’un homme peut apprécier des objets qui le déterminent soit pour s’en conforter soit pour s’en détourner.
C’est également une question sexuelle. Est-ce qu’un homme doit absolument prendre Madame comme a ? Est-ce une obligation ? un impératif ? Plus c’est impératif moins c’est praticable. C. Jullien se demandait alors : « Sommes-nous dans un monde avec une pensée sans objet et une société sans projet ? » Il est clair que nous ne sommes pas du tout face à, si nous pouvons appeler ça, une pensée. Alors, ce qui circule est-il sans objet ?
Une première réponse, celle de Lacan :  la pensée n’est pas une catégorie. Dans le cadre de la psychanalyse, il disait que la pensée serait plutôt du côté de l’affect, soit la manière dont nous pâtissons des discours qui nous traversent. Comme tout affect, d’angoisse spécialement, elle n’est pas sans objet même si dernier est difficile à nommer.
Ainsi dans la société capitaliste, ça s’appellera la plus-value, à quoi se ravale, homologie de Lacan, tous les plus-de-jouir dégradés que chacun est sommé de devenir. Mais ces plus-de-jouir n’existent que dans un réel dont la saisie nous est très difficile, alors que ça nous détermine.
Donc, C. Jullien se demandait : « Société sans projet ? » La réponse est « NON » !
Les objets nous conduisent, nous tirent – l’impératif de la demande – nous mènent le plus sûrement du monde vers les pires désagréments, par des voies réelles – le social est devenu réel – parfaitement fléchées que nous pouvons lire quand bien même serions-nous sans projet articulable. Le réel comme tel n’est qu’un effet des discours qu’il produit, dans lesquels nous sommes tous pris. Alors, le monde moderne s’est-il complexifié ? Certainement pas ! Il se serait plutôt simplifié, devenu d’une clarté si brutale, sinon éblouissante qu’il nous aveugle.

 

Tout cela est parfaitement conforme à l’atmosphère économique où nous sommes. C’est repérable : crainte pour la survie, compétitions effrénées, rivalités exténuantes, juridisme accru des rapports sociaux, appel à l’état comme à l’administration témoignent d’une soumission remarquable à ce monstre qui est l’un des visages de l’état, celui que nous avions désigné « l’amour social » dont la seule finalité est de faire que les sujets soient soulagés de leurs désirs pour se reproduire, pour faciliter la circulation des objets ready made de la consommation qu’eux-mêmes sont devenus. La moindre consultation, de quelque service que ce soit, le démontre immédiatement.

 

La guerre à laquelle nous avons affaire entre concitoyens, qui viennent se plaindre de leurs difficultés, de leur exclusion est bel et bien une guerre pour la maîtrise de la distribution des places dans l’échange. Cette guerre ne va pas sans un goût étrange pour le contrôle et la frénésie organisationnels, espèce de fureur à produire de l’institution dûment labellisée et garantie. Dans ces guerres qui existent dans tous les secteurs de la vie sociale, à tous les niveaux, il s’agit comme souvent, beaucoup moins d’opposition, de véritables désaccords que d’identification des uns aux autres pour maîtriser la même place.

 

Petit rappel :

Lacan pouvait dire que dans la névrose, le rapport à l’autre a toute son importance, dans la perversion c’est le rapport au phallus et dans la psychose c’est le rapport au corps propre qui a toute son importance. Reprenons ces trois points :

— Le rapport à l’Autre fait de moins en moins problème, les sujets eux-mêmes deviennent des objets interchangeables d’un échange économique généralisé et unifiant. La problématique est de moins en moins névrotique.
— Le rapport au phallus, prend de plus en plus d’importance dans la captation du désir. On se présente comme l’Autre dont la maîtrise peut capter son désir. C’est le plus. Je psychanalyse plus, mon père est plus, je gère plus, etc. Donc la perversion s’amplifie.
— Il y a une conséquence rétroactive circulaire qui est une exclusion de l’Autre. Les citoyens sont d’autant plus fragmentés qu’ils sont gérés par une entité monobloc, sans division subjective. Cette opération de division est passée réellement entre eux. C’est se faire passer par l’Autre de l’autre. C’est une opération de forclusion de nom-du-père, forclusion de la castration propre au capitalisme.

 

Le centralisme, particularité française auparavant, va croissant sous la forme de multinationales supra-gouvernementales qui sont les vrais décideurs de la vie économique, sociale et culturelle. Par exemple, un coup sur le peso mexicain retentit sur toutes les bourses mondiales, cependant que le tremblement de terre de Kobé fait trembler toute la planète.
Du coup, le « Maître S1 » – nous ne savons plus qui est à la place du « Maître » – est conforté et le savoir passe à son service. Ce « Maître » nous savons ce qu’il est devenu. Ce sont les bourses qui nous en indiquent la teneur.

 

En somme, de quoi s’agit-il ? Que s’agit-il de sauver dans ce monde dans lequel nous circulons ? Il est dit que c’est le moi. C’est vrai ! Mais en l’occasion c’est l’objet que le moi sert, qui lui-même risque fort de n’être pas sauvé, puisqu’il risque fort d’être considéré comme déclassable ou bon pour la casse selon la conjoncture du marché.

 

Il est possible que les mystères de l’État soient insondables. Il est évident que son cœur ne l’est pas. Son amour est garanti.
Les événements de 1989 en Chine, illustrent la sorte de collusion entre le maoïsme et le familialo-centrisme chrétien qui identifient dans leur propre pente, totalitaire, le nom avec le texte sacré et le corps. Nous pourrions appeler ce type de montage « érotomanie d’État ». L’État m’aime. Induisant des scénarii divers dont entre autres fabriquer une psychiatrie, une psychanalyse prêt-à-porter de confection et davantage encore…

 

Ce qui est sûr pour qui pratique les textes administratifs, comme notre vie publique, est que le jeu des fictions institutionnelles dans lequel nous sommes engagés est rédigé par la fausse science. L’administration n’apporte de réponse qu’aux questions fictives posées. A question fictive réponse fictive. A côté, le réel prolifère. La réponse vraie est méconnue.

 

Il n’y a pas très longtemps le Comité National D’Éthique s’est autosaisi de la question des toxicomanies. C’est un petit document pas très long. La moitié de ce dernier c’est de la chimie et des récapitulatifs médicamenteux qui s’intéressent à la physiologie de la chose. Ça se conclut : « il faut faire appel à la volonté des citoyens » Question fictive, réponse fictive. Nous assistons à la tentative d’homogénéiser
1 — Le réel de l’entreprise
2 — Le réel de celui qui fait savoir
3 — Le réel de qui a le savoir-faire, « le bricoleur ».
Ce réel devrait s’abdiquer devant le réel de celui qui fait savoir sous couvert de ce qu’ils auraient besoin l’un de l’autre. Trouver un bon communicateur !
Quant au réel de celui qui fait savoir, il abdique devant le réel de l’entreprise sous couvert qu’ils auraient aussi besoin l’un de l’autre, in fine c’est là une conjoncture troublante où le savoir-faire, le bricolage comme éthique qui devenu esclave fonctionne au service d’une entreprise qui se prend pour une culture.
Nous savons d’où vient le terme de culture d’entreprise qui fait florès. Il est vrai que le discours dominant, celui du meilleur rapport qualité-prix, de l’obligation d’en donner à chacun pour son argent et de l’impératif de savoir se vendre, augure de ce dans quoi nous sommes catapultés.

 

L’actualité est paranoïaque. Le monde devient sans trou, que tout doit être prévu autant par son extension que par des phénomènes sociaux de fond puisque d’une part la désagrégation des modalités symboliques qui assurait dans les groupes humains transmission et génération garantissant vaille que vaille la stabilité de leur horizon d’autre part, mondialisation sans butée des échanges et des phénomènes migratoires, l’un ne va pas sans l’autre, montée en force de la science véhiculant l’exigence et la certitude de supprimer toute contingence. Rejetant le sujet, qui devient le plus contingent des objets. C’est un décapitonnage !
Par ailleurs, sommer de répondre aux questions, nous n’y parvenons aux échelons les plus élevés par des gouvernements qui se savent des fantoches artificiellement animés que par une forme d’idéologie unificatrice et unitaires imposant multiplication de règlements, de procédures de contrôle, de législation commune. La demande est assurément d’un plus de droit.
De quel droit s’agit-il ? S’agit-il du droit d’un sujet à bénéficier d’une existence pacifiée à quoi aucun droit ne peut répondre ou du droit du code comme prothèse, sans cesse augmentée, à la carence du droit symbolique ?
Ceci produit un lieu de la vérité encore plus évidé qu’il ne pouvait l’être. Il se comble d’un vrai dont la forme de biens de consommation prend la place du Maître aveugle de ce tout, dont nulle butée n’interrompt la tyrannie. Le corps des hommes n’échappe pas à la tyrannie législative. Chaque partie du corps est désormais démembrable, transplantable, fécondable voire s’offre à une capture monnayable. Chacun est tenu de produire juridiquement le discours que sa place dans l’administration des biens lui assigne.

 

Voilà, quelques remarques concernant ce qui fait d’un côté la question énigmatique de l’enseignement dès qu’elle est prise dans ce qui ne peut pas ne pas être notre actualité.
Il est toujours plus commode de lire l’actualité rétrospectivement alors qu’il s’agit de la lire dans son actualité. C’est une énorme difficulté.
C’est un problème connu avec certains patients qui parlent incessamment de leur passé, alors qu’au présent ils plongent de la façon la plus radicale et coulent alors que leur passé est articulé de la manière la plus délicate.
Plaise au ciel que le discours du Maître permette de rendre compte de ce qui vient d’être évoqué, c’est-à-dire le collapsus des places entre le S1 et le S2 dans leur conjonction/disjonction permanente, occupée par un agent dont la nature est toujours renvoyée à l’autre place, cependant que l’agent qui commande véritablement in fine……
Conférer la bourse. Le rêve de la belle boursière c’est la plus-value. Donc, plaise au ciel que le discours du Maître soit vraiment celui qui permettrait d’appréhender……… or le temps n’est plus d’être dans le discours du Maître. Qu’un patron soit un vrai patron ou qu’un papa soit un vrai père, au moindre manquement il est saisi par la justice. Il y a eu aux États-Unis les procès d’un enfant qui demandait à divorcer de ses parents. Ce qui lui a été accordé.
Une dimension supplémentaire serait à mener dans la réflexion sur la place de l’agent d’où procèderait l’autorité. Le saint des saints n’est pas vide, il est coté au CAC 40.

 

Lors de réunions institutionnelles, nos hauts responsables se plaignaient de ne pas avoir de grands philosophes pour nous guider ! Ce qui pouvait être proposé était forclos avant que d’avoir été produit.