Rarement dans ma vie



Il m’est si difficile d’écrire ce qui ne s’écrit pas ou qui ne peut s’écrire.
Rarement dans ma vie, ai-je croisé des Mensch qui ont changé le cours des choses de ma vie.
Quand j’ai rencontré Marcel Czermak la première fois, c’était dans une cour jésuite qui permettait, dans ses salles, la diffusion de cours de psychiatrie lacanienne. Je ne savais pas que c’était lui, je lui dis, moi qui d’habitude ne parle pas ou peu, allumant une de mes dernières cigarettes « j’aimerais arrêter de fumer », et il m’a répondu : « vous croyez ça ! Et bien vous pouvez vous gratter » et dans un sourire il alluma la sienne.
Puis ma première vraie rencontre eut lieu dans son cabinet afin de pouvoir assister aux séminaires de Sainte-Anne. Cela commença ainsi : « C’est quoi votre nom exactement ? » Et moi « Justement c’est la question » Et c’était lancé.
Il m’appelait « la môme » et me disait que j’avais le temps. Il était humble et respectueux et m’a réveillée ; il ne faisait pas de grandes phrases, mais il avait le mot juste, le regard juste, le ton juste. Je savais que quoi que je me demande je pourrais le lui soumettre, et ça repartirait quelle que soit la forme de la réponse.
Quand j’ai apporté à Marcel Czermak mon mémoire universitaire où je lui expliquais que je lui devais ma note, il m’avait répondu d’un sourire, et embraya sur l’inconscient de l’administration.
Il m’interpella un jour, certes particulier, dans le cours de notre échange sur un sujet bien précis « vous avez remarqué ces gens qui vous pompent l’air ? » Et cette fois c’est moi qui ai souri…
Je n’ai jamais manqué un moment où il était là, j’ai lu les polars qu’il me conseillait, j’ai noté chaque remarque, j’ai écouté chaque parole et faisait confiance à mon Inconscient pour retenir et archiver celles que je ne pourrais pas noter.
Il m’est arrivé de dire une unique fois à une patiente, la phrase sortant seule sans que je n’ai pu la retenir : « Vous savez ce que le Dr Marcel Czermak vous dirait ? » Et ma phrase est entrée dans son vocabulaire, il faut croire que la lumière qui y brillait pour moi a brillé pour elle aussi.
Pour ne pas conclure cet hommage, cette dette immense que j’ai envers Marcel Czermak, il me dit à la fin de cette première rencontre déterminante pour le reste de mon parcours : « il parait que j’ai mauvais caractère », ce à quoi j’avais répondu « moi aussi il parait, mais comme disait Gabin, « Evidemment j’ai mauvais caractère, mais je préfère avoir ce caractère là que pas de caractère du tout » ».
Marcel Czermak a été pour moi, et pendant les 8 ans que je l’ai connu, un maître, un référent, une balise, un phare. Je venais d’apprendre à faire un nœud pour m’amarrer… «