Les deux numéros du Journal français de psychiatrie que nous consacrons à l’automatisme mental de Clérambault tentent de répondre à cette exigence : ré-aborder une clinique qui, pour paraître désuète, n’en garde pas moins une pertinence qui se manifeste dans l’usage quotidien que nous en avons. Mais il ne s’agit pas de ressortir de vieux grimoires ou de mettre en avant une sorte de curiosité historique. Jean-Jacques Tyszler indique en quelques mots notre enjeu : « Toutes les questions de la psychiatrie classique, ce que nous appelons les tableaux, ne sont qu’une foule de questions humaines, énorme, hiérarchisée, complexe, dont nous n’avons pas fait le tour. »

Le n° 45 du jfp a abordé l’histoire et la clinique de ce concept controversé. Et l’automatisme mental ne nous introduit pas moins qu’à la question du rapport de l’homme au langage. Qu’est-ce que parler veut dire ? Voilà à quoi ce syndrome S, comme souhaitait l’appeler de Clérambault, nous invite et qui fait l’objet de ce second numéro.

L’étude de l’automatisme mental nous permettrait-elle d’approcher de plus près la physiologie de ce que Lacan nommait le parlêtre, ce qui constitue notre rapport au langage comme aux affects et à la motricité ?


« Les psychoses, quoi de neuf ? Freud écrivit que la théorie est à la remorque de l’expérience. Pour les névroses, la théorie a aujourd’hui une valeur diagnostique et prédictive bien établie. Les psychoses, en revanche, ouvrent toujours un vaste champ à la recherche. La clinique reste ici la boussole, à commencer par les grandes observations des psychiatres classiques. Ils nous apprennent qu’il y a de grandes différences entre les délires linéaires (les paranoïas, la mélancolie et la manie) et les délires schizo­­phré­niques qui s’éparpillent de manière concentrique. Autre chose encore est l’automatisme mental. Il y a, de plus, des degrés du délire, et des différences d’intensité (la plupart des psychanalystes ont des psychotiques de basse intensité sur leurs divans). Enfin, il faut distinguer les psychoses qui surmontent leur passivation grâce à des « contre-délires » parfois géniaux, de celles qui sont réduites à une objectivation asilaire. En dépit de ces différences, les cliniciens s’accordent sur le terme de « psychose » pour désigner l’ensemble de ces manifestations. La célèbre « métaphore paternelle » de Lacan n’en est probablement qu’une présentation.

Les psychoses restent donc un champ ouvert de grande importance. Elles ont d’ailleurs été une source d’inspiration pour Freud depuis ses débuts. Il a tiré de la parole schizophrénique une théorie du langage plus profonde que celle de Saussure. De même, il a entendu la leçon des paranoïas pour les projections délirantes, qui habitent aussi les névroses sous la forme d’un Wahn constant (comme il l’a écrit dans « La Gradiva »). Ce numéro de La clinique lacanienne a l’ambition de laisser ouvertes ces questions ».