Ce livre s’adresse avant tout à l’étudiant psychothérapeute, psychanalyste ou psychiatre.

La nosographie exposée ici se fonde d’abord sur la clinique psychiatrique classique revisitée par Sigmund Freud et Jacques Lacan.

La prise en compte de l’inconscient en donne une lecture autre.

Les cas cliniques tressés avec les éléments théoriques permettent d’en saisir la nécessité et d’en éprouver la validité.

Les observations cliniques choisies permettent d’étudier ce qui se passe au niveau du corps, mais aussi au niveau du langage et de l’image spéculaire, articulant ainsi les différents registres Imaginaire, Symbolique et Réel dans lesquels le parlêtre vient à l’existence.

Dans les présentations de cas, on pourra suivre le frayage de la théorie jusqu’à la clinique contemporaine.

Si chaque sujet est unique, les occurrences possibles de structuration sont en nombre réduit et on retrouvera le trépied freudien : Névroses, Psychoses et perversions.

Outil de travail, ce livre s’adresse aussi à tous ceux qui s’intéressent à la question de ce qu’est un sujet humain : en quoi le langage le diffrencie-t-il radicalement de l’animal.

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Par Thierry Florentin

Commentaire de la leçon 1 du séminaire « Les structures freudiennes des psychoses » présentée le mercredi 11 octobre 2017 à Sainte-Anne

Avant de commencer, je souhaite, comme je le fais chaque année, rappeler brièvement les règles de notre groupe de travail, à l’Ecole de Sainte Anne, et comment nous fonctionnons.

Et ceci surtout pour les nouveaux, les élèves de l’EPHEP, ceux qui viennent ici pour la première fois, et à qui bien évidemment nous souhaitons la bienvenue, et dont nous voulons qu’ils sachent, qu’en cas de difficultés, ils peuvent à tout moment, s’adresser aux plus anciens, soit pour travailler avec eux, soit pour les aider à trouver un éclairage sur un point précis de leur travail, que celui-ci soit d’ordre théorique, ou clinique .

Comme vous le savez, nous alternons le travail d’un séminaire de Lacan, et celui de la présentation de traits du cas.

Le choix chaque année, que chaque groupe de travail affilié à l’Association Lacanienne Internationale, où qu’il soit en France, en province ou dans le monde, travaille au même moment le même séminaire, et cela chaque année, donc, avec un rendez-vous annuel, et maintenant deux fois par an, avec le séminaire d’hiver, et le séminaire d’été, est une expérience unique, je ne crois pas qu’elle existe dans les autres associations psychanalytiques.

Ce mouvement crée un élan collectif d’émulation et de travail, un transfert de travail autour d’un texte difficile, et je crois que cette année, nous aurons à tenir notre place, à l’Ecole de Sainte Anne, dans ces différents rendez-vous collectifs, car ce séminaire, Les structures freudiennes des psychoses, est d’une certaine façon le nôtre, sans ce séminaire, inaugural d’une certaine façon, avec le séminaire de l’an dernier, sur le Moi, il n’y aurait pas d’Ecole de Sainte Anne.

Et sans Marcel Czermak, aussi , bien sûr.

Je vais bien sûr y revenir, mais j’ouvre une parenthèse, celle de la présentation des traits du cas. Vous savez qu’en venant ici, en participant à l’Ecole de Sainte Anne, c’est pour suer… De la sueur et des larmes… Rien n’interdit que cela se fasse aussi sans une certaine jubilation, une joie du partage, et une certaine satisfaction…

En tous les cas, nous vous demandons que vous soyez dans un engagement de travail actif, dont je n’ai pas le souvenir que qui que ce soit ait eu à s’en plaindre et à le regretter…

Nous vous demandons donc en début d’année, de vous organiser en petits groupes, de deux ou trois, auxquels je remettrais un enregistrement audio d’un entretien d’un patient avec Marcel Czermak.

Entretiens d’environ une heure, une heure trente.

Il vous revient de le transcrire, par écrit, et d’en retirer l’axe majeur, ce que l’on appelle le trait, sans vous diluer et vous perdre dans des digressions qui n’appartiennent pas à la saisie du cas.

Non pas sa compréhension, c’est l’objet vous allez le voir, de cette première leçon, sa saisie.

Chaque année, également, il est de mon devoir de rappeler avec le plus de gravité et de solennité possible, qu’à partir du moment où vous acceptez de recevoir et de travailler sur ce trait du cas, vous êtes engagés de fait aux règles déontologiques strictes de la fonction médicale et soignante, à savoir le respect absolu et absolument intransigible de la confidentialité. Il ne peut être question que les enregistrements ou les informations retirées de ces enregistrements puissent être partagées ou diffusées en dehors de notre cercle d’enseignement, même à des collègues de travail extérieurs à notre groupe.

Pour ces mêmes raisons de confidentialité, nous vous demandons de modifier les noms des patients et des praticiens, en dehors bien sûr du Dr Czermak, et de les nommer par une initiale de hasard, sauf quand le patronyme est suffisamment signifiant pour saisir l’observation, ce qui peut arriver, dans la mesure où le patronyme est le point d’accroche fixe d’un sujet, auquel cas, nous vous demandons de lui trouver un patronyme de sens équivalent.

Et maintenant, revenons à ce séminaire III, les structures freudiennes des psychoses, et à ce qu’il présente d’originaire pour nous.

Des vingt six séminaires de Lacan, il fallait trouver le souffle et l’inspiration, pour tenir comme ça 26 ans, et tenter à chaque fois, de creuser un sillon pour entamer notre « passion d’ignorance », des vingt six séminaires de Lacan, tous ont leur importance cruciale, fondamentale, font fondement, mais de ces vingt six, quelques-uns, j’oserai les qualifier de supra-séminaires, séminaires des séminaires, dans la mesure où il y a un avant et un après. Vous ne pouvez plus être le même avant et après la lecture et le travail de ces séminaires.

Lesquels ? J’en retiens, à regret, trois au moins, en sachant ce que ce choix a de subjectif et d’artificiel, car tous, je me répète, ont pour fonction et pour effet de faire effraction dans le savoir institué et de nous orienter vers une façon de penser, d’appréhender notre travail, nos relations, notre rapport à autrui et aux patients, notre vie, autrement.

Et de ces trois, je retiens le séminaire sur les psychoses, celui que nous allons travailler cette année, le séminaire Encore, et le séminaire dit-inaugural de la topologie, RSI.

C’est mon choix subjectif, pour d’autres, ce sera le séminaire sur la relation d’objet, sur l’angoisse, ou sur le semblant. Mais pour ma part cela a été ces trois-là. Plus de vingt ans séparent le séminaire sur les psychoses et le séminaire RSI, mais vous verrez, puisque nous sortons de cinq ans de sueur sur la topologie, que cette distinction s’avèrera au final artificielle.

Le séminaire sur les psychoses, loin d’être un texte poussiéreux et daté, les années 55, il n’est pas impossible de le lire de cette manière, c’est une contingence, mais nous pouvons aussi le lire comme un texte qui éclaire par anticipation les séminaires terminaux de Lacan sur la topologie, lesquels éclairent par rétro-action ce séminaire III.

Vous voyez donc l’intérêt de faire plusieurs tours de lecture à des années différentes, d’intervalle variable, car ce n’est jamais la même lecture, mais aussi de répondre à une question que l’on nous pose souvent : « Par quel séminaire faut-il commencer ? »

A cela je réponds prenez le plat du jour, et entrez dans la danse. Quel que soit le séminaire par lequel vous démarrez la lecture de l’œuvre de Lacan, vous retomberez toujours sur vos pieds.

Actualité vivante de ces séminaires, pris ensemble et séparément, et particulièrement de celui sur les psychoses, lorsque vous voyez l’état actuel de la réflexion en psychiatrie sur la psychose, où l’organogenèse et le rejet de l’inconscient restent inentamés, et si vous lisez les débats des aliénistes du XIXème siècle, vous voyez à quel point ils sont plus au travail, dans cette science nouvelle qu’est la science de l’aliénation mentale, que la lecture des revues de psychiatrie aujourd’hui, alignée sur le biologisme et le cognitivo-comportementalisme.

Aussi convient-il que lorsque vous serez amenés à présenter une leçon de ce texte, vous la preniez comme un point d’appui, un point d’envol, vers l’actualité de nos recherches, comme Marcel Czermak, lui-même, l’a fait en son temps, dans ses ouvrages, et en fondant l’Ecole de Sainte Anne.

Et cela d’autant plus que les formules dans ce séminaire, ressassées depuis soixante ans de lacanisme jusqu’à l’écoeurement, ne manquent pas, des mantras lacaniens, dont nous ne pouvons nous contenter, dans un pré-supposé de compréhension.

Rappelez vous que l’un des diagnostics de la paranoïa, qui y mène quasiment à coup sur, c’est le pré-supposé attribué à l’autre, le « Vous voyez bien ce que je veux dire ».

Méfiez-vous, c’est l’objet de la leçon, de toute compréhension et de tout appel à la connivence de cette compréhension.

Faites plutôt comme Lacan, qui se présentait et parlait devant ses auditeurs en analysant, nouez vos propres associations à la présentation du texte. Appliquez les préceptes freudiens à votre présentation du séminaire. Faites comme Maïmouna, comme Nicolas la semaine dernière : servez vous de vos rêves, de vos lapsus, de la manière dont ces textes travaillent en vous, à votre insu,le plus souvent, trébuchez, hésitez, bafouillez… Autrement, cela risque d’être un cours, et c’est ennuyeux. Et nous aurons raté un objectif primordial de notre école, qui est celui de la transmission.

Je vous dis tout cela d’autant plus à l’aise que je pars moi-même pour vous dire cela d’un point aveugle, que je ne manque jamais de rappeler lorsque mon tour vient à parler, et dont les anciens se souviennent, d’être resté sans voix pendant près d’une heure, ici même, il y a quinze ans, incapable d’articuler le moindre son, car refusant cette exposition que nécessitait le fait de prendre la parole, une parole qui ne serait pas le psittacisme du maitre, aussi impressionnant soit-il, c’est-à-dire d’assumer la soustraction de jouissance que nécessite notre condition de parlêtre.

S’il n’y a pas cette règle fondamentale, qui est celle de la psychanalyse, instituée par Freud, je vous le rappelle, alors il n’y a qu’un savoir du maitre, ou un savoir universitaire. Et vous pouvez tourner à votre tour pendant vingt ans, voire vingt six, vous n’aurez pas avancé pour vous même d’un iota. La psychanalyse, c’est une affaire de soustraction, pas un chargement de barda. C’est ce qui nous sépare d’une manière irréversible et définitive, de la psychothérapie.

Nous n’avons pas à avoir honte de nos symptômes, nous devons en avoir la responsabilité.

Ce séminaire III donc, se lit à livres ouverts. Pas à livre ouvert comme ce que l’on dit de l’inconscient des psychotiques, qui ne souffriraient pas d’une barre de division, mais à livreS ouvertS, au pluriel.

Il ne se lit pas de façon isolée.

Il se lit en parallèle et en continu avec d’autres Ecrits de Lacan, et notamment celui qui s’intitule « D’une question préliminaire à tout traitement de la psychose », dans les Ecrits justement, censé reprendre l’enseignement des deux premiers trimestres de l’année, mais qui en fait va plus loin, ne serait-ce que de son énoncé, qui pose dans son titre au moins la question du traitement, qui devait être le point de mire de ce séminaire, dira Lacan, il se lit également, vous écrivez lit comme vous voulez, lie, si vous voulez, avec la thèse de Lacan « De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité », publiée au Seuil, « non sans réticence », disait-il, j’espère que nous allons y revenir, avec également les textes de Freud, le Président Schreber, dans les cinq psychanalyses, et les mémoires du Président Schreber, fastidieuses, dont Lacan au cours du séminaire, se rendra rapidement compte qu’il est vite inaudible par son auditoire, qui ne possède pas encore, en 1955, les outils pour le lire.

De ces Mémoires, qui lors de leur parution, en 1903, reçurent un très bon accueil dans les milieux de la psychiatrie viennoise et allemande, Freud dira « Lisez le avant que de me lire ».

Cependant, du traitement des psychoses, Freud ne nous donnera pas beaucoup d’indications, ni d’orientation, en dehors de quelques vues sur le narcissisme, et préférant au final se rabattre sur la pulsion de mort.

Lacan sera encore plus radical : Littéralement, dit-il dans cette leçon première, « la question du traitement de la psychose chez Freud se réduit à néant ».

Néant. Ce n’est pas rien ce terme.

Eh bien force nous est de constater, que plus d’un siècle après Freud, en 2017, nous ne savons toujours pas guérir la psychose.

Nous savons certes contenir ses manifestations, par les moyens pharmacologiques, le plus souvent, et dont la découverte est contemporaine d’ailleurs du séminaire, réduire l’expansion envahissante d’un délire, diminuer l’angoisse, notamment celle de morcellement, propre à la psychose, faire cesser par des moyens sédatifs l’agitation et la fureur, mais nous ne savons toujours pas guérir la psychose, dont le traitement reste en grande partie du domaine médico-social, quand il n’est pas, sur le plan de la paranoïa du moins, médico-légal.

Pointe de progrès, les travaux peut-être pas suffisamment nombreux, en dehors de nos cercles, mais tout de même suffisamment consistants pour constituer référence, qui partent du séminaire sur Joyce, du nouage borroméen, et qui portent notamment sur les erreurs de nœuds, et sur l’intervention de suppléance.

Je vous renvoie aux travaux des uns et des autres, tant de l’Ecole, que de l’ALI.

Mais vous verrez que ce sont des cas par cas, où le nouage se fait du savoir-faire du thérapeute avec la psychose du patient, le travail d’une vie, peut-être plus fréquent d’ailleurs dans le travail avec les enfants qu’avec les adultes.

Mais avant cela, il aura fallu 20 ans, il fallait, c’est le legs, l’héritage, de ce séminaire, changer du tout au tout notre regard, et notre conception de la psychose.

La schizophrénie, qui est un terme inventé par un homme qui s’est voulu à un moment fécond de sa vie un de ses élèves, vous le savez, comme il a inventé le terme autisme, ce n’est pas Kanner qui l’a inventé en 1943, ou le terme ambivalence, c’est Bleuler, fils de paysans suisses, directeur de la clinique du Burghözli, où Lacan s’est rendu en stage deux mois, en août-septembre 1930, la schizophrénie n’a pas tant retenu l’attention de Freud, plus intéressé par les mécanismes de défense, tels que la projection, et donc plus poussé à étudier les mécanismes qui régissent la paranoïa.

Cependant, il butera avec l’énigme de la psychose, sur « un nœud, un noyau résistant », dira Lacan, qui le relèvera à son tour, ce défi, jugeant qu’il lui convient comme bague au doigt, bague qu’il abordera avec le nouage borroméen.

J’espère, je l’ai proposé à Marc Darmon, pouvoir vous parler de Bleuler et plus particulièrement de sa relation à la psychanalyse et à Freud, d’une manière plus approfondie lors du séminaire d’hiver qui portera sur les psychoses.

Bleuler a essayé d’appliquer les principes de l’association libre au traitement de la schizophrénie, et en rend compte dans un ouvrage qui est disponible en français, sous plusieurs éditions, inégales, sur la Dementia Praecox.

Mais ce dont va parler Lacan dans cette première leçon va porter essentiellement sur la paranoïa, concept fourre-tout, qui a représenté pour Kraepelin, disciple de Kant, et la psychiatrie allemande ce que la manie a représenté au XIXème siècle pour la psychiatrie française à la suite d’Esquirol, et cela jusqu’à Falret, qui va remettre en cause de façon fracassante l’héritage de son maitre, la monomanie, qu’il suffisait de décliner un peu partout pour avoir le tableau à peu près de l’ensemble des maladies mentales.

Mais pour cela, il faudra attendre, vous le savez, le milieu du XIX ème siècle, les années 1850-1860, et à la suite de Jean-Pierre Falret, Baillarger, Magnan, etc..

Il en sera de même en Allemagne, où le concept de maladies mentales au pluriel sera long à s’imposer et remplacer la Einheit Psychose.

Kraepelin ne cessera de remanier son Lehrbuch der psychiatrie, pas moins de huit  éditions, chacune venant recouvrir l’autre.

La Paranoïa a donné lieu, Lacan en fait une recension assez exhaustive dans sa thèse, à une  multiplicité d’études nosographiques.

Et notamment une question centrale, qui oppose l’Ecole allemande et l’Ecole française.

S’appuie t-elle sur une continuité, est elle liée à une personnalité, à une constitution caractérisée par un ensemble de traits constitutifs, décrits notamment par Kraepelin, et d’autres, dont un psychiatre renommé avant-guerre, Henri Genil-Perrin, qui tenait sa renommée d’avoir objecté de manière décisive aux thèses sur la dégénerescence qui étaient alors majoritaires en psychiatrie.

De la constitution paranoïaque, caractérisée par entre autres, selon la description même de Kraepelin, l’orgueil, la méfiance, la susceptibilité, la surestimation de soi même, etc.., le délire paranoïaque serait le signe de son exacerbation, apparaitrait à un moment fécond de cette constitution.

« A partir de quoi, on est plus simple, tout s’explique… » raille Lacan.

Il existe une structure perverse du caractère, c’est l’expression de Genil-Perrin, qui conduit au délire quand celle-ci sort des limites.

Cette distinction est importante pour éclairer les questions qui se posent quant à l’aspect subit de la crise paranoïaque, son irruption brutale, et donc la question de la prévisibilité, de sa prévention.

Développement de la personnalité, ou processus organique ? Organogenèse ou psychogenèse ?

Ce sont les questions que Lacan pose dans sa thèse, psychose réactive, ou psychose processuelle ?

Cette question du processus organique n’est pas l’apanage des aliénistes du XIXème siècle, elle est encore largement en débat en psychiatrie. Récemment, une patiente me disait qu’elle avait rencontré un psychiatre qui avait enfin, lui, trouvé ce dont elle souffrait, et l’avait orienté sur les microbiotes de la flore intestinale, pour expliquer ses troubles dépressifs récurrents. Elle ne me le disait plus, d’ailleurs, à quoi bon, elle me l’écrivait par mail, elle communiquait..

Cette question du lieu de l’aliénation, nous allons y revenir tout à l’heure, et voir ce que Lacan va en faire.

A noter que Lacan ne place pas toute la psychiatrie du XIXème siècle dans le même sac, il ne caricature pas, il rend hommage dans cette leçon à des travaux comme ceux de Serieux et Capgras, par exemple, dont vous lirez dans leur ouvrage sur les folies raisonnantes, sous-titré le délire d’interprétation, à quel point, et notamment dans le chapitre premier, celui qui collecte, au travers d’un certain nombre de cas cliniques, la recension des symptômes du délire d’interprétation, à quel point il leur manque peu de choses de la théorie lacanienne du langage, plus précisément la question du signifiant et du point de capiton, dans la leçon 2, celle du 23 Novembre 1955, il reviendra également sur Seglas, et la distinction que celui-ci fait quant aux mécanismes de l’hallucination verbale, et à son articulation motrice par le patient délirant.

Ceci pour souligner que à quel point le travail de Lacan n’est pas tombé du ciel, plus de cent quatre-vingt références dans sa thèse, il fait la synthèse entre d’une part ce qu’il y avait à lire et à entendre du côté des aliénistes français du XIXème siècle, méconnu d’eux même, mais pas seulement, de Kraepelin également, et de Jaspers, qu’il voue aux gémonies dans cette leçon, en le caricaturant, mais qu’il a pourtant amplement cité et commenté dans sa thèse, et d’autre part ce qui était déjà dans le travail de Freud, il y avait juste à se pencher, à savoir le lire, et à le ramasser.

Jaspers, dont vous pouvez lire sa psychopathologie générale en français, est un des plus grands philosophes allemands du XXième siècle, et nous ne pouvons en avoir aucune idée si nous nous contentons des commentaires qu’en fait Lacan dans cette leçon 1.

Un exemple pris chez Serieux et Capgras : Nicolas a développé dans l’avant dernier numéro du Bulletin de Sainte Anne, le fameux « tu es ma femme », où le tu vient à la fois fonder l’Autre, et faire appel à l’Autre. Où Lacan a-t-il été chercher tout ça ? Chez Saint Augustin, vous pensez ?

Je lis, page 24 de mon édition des Folies raisonnantes, il s’agit d’une réédition de 1982, Laffitte reprints éditeur : Madame X.. (c’est la première observation de Serieux et Capgras) nous montre des lettres de sa mère, (qu’elle accuse d’avoir voulue la séquestrer et la dépouiller de ses biens).Elle y rencontre des hyéroglyphes intéressants, et des phrases qu’elle sait interpréter. La suivante : « tu oublies de t’imputer à toi-même tous les faits que tu me reproches ; j’ai toujours agi envers toi comme je devais le faire. Qui signifie pour la patiente : Tue-toi… tu devais le faire.. tous chez toi (Tous tes ennemis sont installés chez toi, tu n’as plus qu’à te tuer…).

Vous voyez comment le shéma a a’ Autre pourrait s’appliquer ici.

On pourrait, c’est une idée de travail, s’amuser à prendre les cas cliniques des aliénistes, et en faire une lecture lacanienne, je vous assure qu’on ne perdrait pas notre temps.

C’est ainsi que Freud a procédé avec Schreber, de manière champollionesque, dira Lacan, pour déchiffrer la langue fondamentale de Schreber.

Opposé à Kraepelin, Jaspers, dont il cite dans sa thèse un chapitre de la psychopathologie générale. « Pour qu’un phénomène psychopathique soit considéré comme une réaction de la personnalité, il faut démontrer « que son contenu a un rapport compréhensible avec l’évènement originel, qu’il ne serait pas né sans cet évènement, et que son évolution dépend de cet évènement et de son rapport à lui. » » (p.142 De la psychose paranoïaque )

Donc vous voyez que la manière dont il exécute Jaspers dans cette première leçon, n’a rien à voir avec la façon dont il le cite et l’utilise dans sa thèse.

Car quelque chose s’est passé, qui le rend aussi radical y compris lorsque l’on relit un article de 1946, son propos sur la causalité psychique.

Il ne croit pas, ou plus à la psychogenèse, et il ira dire dans cette leçon, voilà le grand secret de la psychanalyse.

« Si la psychogenèse c’est cela, c’est justement ce dont la psychanalyse est le plus éloignée, par tout son mouvement, par toute son inspiration, par tout son ressort, par tout ce qu’elle a apporté, par tout ce vers quoi elle nous conduit, par tout ce en quoi elle doit nous maintenir. »

Il n’y a plus à trancher entre l’organogenese et la psychogenese, et vous lirez là-dessus, si cela vous intéresse, un très bel article de Georges Lanteri-Laura, , paru dans le numéro 49 de l’Evolution psychiatrique de 1984, qui déplie bien cette question essentielle dans les enjeux et les débats de la psychiatrie de l’époque.

Il n’y a plus à trancher, car Lacan a déjà répondu par la triade Réel Imaginaire et Symbolique. Quelque soient les découvertes scientifiques, les plus fines, les plus microscopiques, les appareils d’investigation les plus perfectionnés cela ne changera rien. Car ce n’est de toutes les façons pas de cela dont il s’agit.

Vous voyez le programme du séminaire RSI est contenu dans cette première leçon du séminaire 3.

Il est là. Même si Lacan ne l’a pas encore formalisé, s’il lui faudra vingt ans pour le faire…

Rupture avec la tradition médico-philosophique. Il n’y a pas de continuité.

Pour avancer dans cette question de la continuité, il va aller chercher chez Clerambault et notamment dans sa description des phénomènes élémentaires dans l’automatisme mental ce qui l’intéresse.

Gaetan Gatian de Clerambault, qui finira comme vous le savez, par se suicider d’une balle dans la tempe, d’un accès de mélancolie.

Clérambault, que Lacan, on le répète là aussi dans les milieux de la psychanalyse comme un mantra, reconnait, dira t il, comme ayant été son seul maitre en psychiatrie.

Curieux Maitre, qui, rappelons le, viendra troubler une séance de la Société médico-psychologique en jetant à la tête de Lacan l’exemplaire dédicacé de sa thèse en l’accusant de plagiat. Il convient de rappeler également que Clerambault était avant tout un organiciste, rebelle et hostile à toute théorie du sujet, et que les conclusions de la thèse de Lacan sont en tous points contraires à ce qu’avance Clerambault sur la paranoïa.

Ce que Lacan va aller chercher dans la description que fait Clerambault de l’automatisme mental, et il le dit d’une manière très respectueuse, à sa manière, là aussi toujours la critique est entre les lignes, il dit, « c’est une oeuvre, qui indépendamment de ses visées théoriques, a une valeur clinique d’une nature considérable » quelque chose d’essentiel, la notion d’anidéisme, c’est-à-dire non conforme à une suite d’idées. C’est-à-dire qu’il y a une rupture de la continuité dans les phénomènes de la psychose. Cela met définitivement un terme à toute  conception psychologisante de la chose.

 

Vous êtes vous demandé pourquoi dans un service de psychiatrie, c’est toujours les assistantes sociales qui ont le dernier mot ? Quel que soit la manière dont vous présentez le cas du patient, son histoire, on en termine toujours par une décision d’ordre social. Car l’histoire du patient, l’anamnèse, si elle donne un ordre à la compréhension, ne nous aide en rien à son élucidation.

Ce que dit Clerambault est que l’hallucination, le phénomène élémentaire, n’est pas l’aboutissement de l’idée délirante, mais qu’elle présente un statut d’autonomie par rapport à la pensée, ce qui vient balayer une fois de plus toute notion de psychogenèse.

Voilà ce que va chercher Lacan chez Clerambault à la compréhension des psychoses.

Il n’y a rien qui aille de soi, il n’y a rien qui va venir faire référence à la moindre compréhensibilité, le phénomène de la psychose est une rupture dans la chaine signifiante, dans la chaine des idées, dans la chaine de la compréhensibilité, une béance, qui ne joint pas selon une belle expression qu’il emploie, maintenant et après.

Si la psychanalyse consiste à restituer du sens à l’intérieur de la chaine ainsi interrompue des phénomènes, « c’est pas faux », dit Lacan, et vous en avez un bel exemple en introduction de l’article de Marcel Czermak sur le déclenchement des psychoses, dans Passions de l’objet, avec ce parachutiste qui déclenche une bouffée délirante, se prenant pour Dieu, après son premier saut. Il s’avérait que ce petit garçon, alors âgé de trois ans, avait répondu à son père, de retour de captivité, incrédule, lorsque celui-ci s’était présenté à lui comme son père : « Un père ça ne tombe pas du ciel…

Un autre bel exemple, dans le même article, concerne ce patient qui déclenche un épisode interprétatif délirant, à la suite d’une réflexion de sa petite amie, alors qu’ils sont de passage, dans un hôtel de province : « il y a deux hommes qui me suivent, ils voudraient m’embarquer». Tout cela mène à une fuite éperdue vers Paris, une hospitalisation de plusieurs semaines, jusqu’à ce que Marcel Czermak fasse cesser le délire en faisant lui-même le pont de continuité, lui permettant de relier l’épisode délirant du présent avec un fait réel du passé, survenu à des amis de la famille.

Il ne faudrait cependant pas s’imaginer, dit Lacan, que le sens, la remise en ordre du sens, c’est ce qui se comprend.

« C’est un mirage », dit-il.

Si cela était le cas, il n’y aurait pas, nous dit-il de différence entre l’éthologie, l’étude du comportement animal dans son environnement, et l’homme.

Je vous rappelle en passant que le pape de l’éthologie de l’époque était un certain Konrad Lorenz, ancien nazi, nommé à la chaire d’Emmanuel Kant en 1940 à l’université de Könisberg, et psychiatre de la Wermacht.

Pour la psychanalyse, va-t-il nous dire, l’expérience dont nous allons partir, l’expérience princeps, l’expérience primordiale qui va nous permettre de déplier ces phénomènes non compréhensibles immédiatement de la psychose, c’est la relation analytique et le transfert.

C’est à partir de là, nous dit Lacan, « l’aveu par le sujet de quelque chose qu’il vient dire au médecin et ce que le médecin en fait, que tout s’élabore, et c’est ce qui fait de son instrument d’entrée son mode opératoire premier ».

Ce prisme du transfert est fondamental pourquoi ? En quoi est il pour nous un instrument d’entrée ?

Parce qu’au travers de ce prisme, et sans doute au travers de ce prisme seulement, nous allons pouvoir distinguer ce qu’il en est des trois catégories du symbolique, de l’Imaginaire et du Réel. Vous voyez, toute la topologie est déjà en place, elle va lever comme la pâte à pain, durant vingt ans, mais la voilà ici dépliée, il ne reste plus qu’à l’assembler.

Le symbolique, c’est ce qui est manifestement en dehors de la compréhension, c’est ce qui résiste à la psychogenèse, et voilà la théorie du signifiant qui arrive, elle repose sur une relation d’homophonie, et pas sur une relation de signification. Voilà le secret, et qui était là, il fallait se pencher et le voir, dans les descriptions cliniques des classiques, et dans l’anidéisme relevé par ce grand observateur logique qu’était Clerambault. Pas de continuité, autre que sonore.

L’imaginaire, c’est la captation de l’image, guide de vie pour le monde animal, c’est-à-dire pour le non-parlant, le non pris dans le langage. Comme le Réel, il est régi par une continuité, qui peut s’exprimer de la manière d’un plus ou d’un moins.

A la différence du symbolique, où les relations entre les éléments sont régis par une opposition, sans rapport nécessairement de continuité entre eux. Et pour exemplifier cela, Lacan prend l’exemple de l‘auto rouge qui passe devant le psychotique, et de la signification, qui bien qu’assurée, il y a un sens, c’est évident, peut le laisser dans la plus grande perplexité, et la plus grande anxiété. Signe, perception, ou Symbole ?

Comme le psychotique et son auto rouge, nous devons lire le texte du patient, son dire, et nous dit Lacan, nous allons nous en emparer, nous en aider, pour lire Schreber.

Là où le déchiffrage de Freud restait sur le plan imaginaire, et réel, l’anamnèse avec le papa éducateur cinglé et sadique, etc.., Lacan met en place devant nos yeux une théorie de la psychose qui va déboucher sur quoi ?

Sur quoi à votre avis ?

Vous ne vous êtes jamais demandés pourquoi Marcel Czermak avait intitulé son ouvrage sur les psychoses « Passions de l’objet ».

Lacan nous parle des passions. Il parle de la tristesse. Et il cite l’histoire d’un petit garçon qui recevant une gifle ne sait pas trop s’il doit se réjouir ou pleurer.

Je soupçonne, en l’absence d’autre information, que ce petit garçon c’était lui. Ce n’est pas la première fois qu’il fait allusion à son enfance, souvenez vous de l’histoire de la moitié de poulet.

Mais la psychiatrie française s’est construite là dessus, sur les passions, comme la tristesse. Des passions, considérées comme Causes, Symptômes et Moyens curatifs de l’aliénation mentale. Thèse d’Esquirol, qui fit tellement d’ombre à Pinel, son maitre, qu’il dut revoir entièrement sa première édition de son traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale. Tout cela a été excellemment étudié par Gwladys Swain et Marcel Gauchet, à tel point que l’on pourrait presque considérer que la naissance de la psychiatrie française repose sur la thèse d’Esquirol plus que sur le traité de Pinel.

On y retrouve cette question du curseur quantitatif où la mélancolie n’est que l’exacerbation du sentiment de tristesse. La psychiatrie ne décolle pas, y compris dans ses descriptions des troubles, de l’attention, de la compréhension, de l’intelligence, de l’humeur, etc… de la philosophie des anciens. D’ailleurs c’est un philosophe, Joseph Daquin, le véritable inventeur de la psychiatrie, lisez-le, on le trouve réédité, l’ouvrage s’appelle la philosophie de la folie, ou Essai philosophique sur le traitement des personnes attaquées de folie, 1792.

C’est lui le véritable inventeur du traitement moral, le premier qui, pour reprendre la belle expression de Gladys Swain et Marcel Gauchet, prônera le dialogue avec l’insensé, et pas parce qu’il est bon, ou gentil, ou parce qu’il a compris quelque chose à la folie, mais tout simplement parce que la logique de l’article premier de la déclaration des droits de l’homme stipule l’universel, la touthommie, la logique d’inclusion, et non de relégation, et que donc, il fallait faire cet effort vers l’insensé.

J’en reviens donc aux passions, à l’étude de la mélancolie, dont vous savez qu’elle est essentielle, qu’elle traverse tout le champ de la pensée philosophique, romanesque, existentielle du XIXème siècle, encore maintenant, avec les troubles bi-polaires, leur saisonnalité, je vous en donnais un exemple tout à l’heure, mais Lacan aussi en parle dans cette leçon 1, on se suicide, dit Jaspers, plus souvent en automne qu’au printemps, car c’est la saison de la fin d’un cycle de la vie, sortez les violons, manie et mélancolie font alternance, jusqu’à l’article de Freud sur Deuil et mélancolie. Coup de tonnerre, rupture dans le savoir épistémologique, et vous comprendrez alors combien la traduction que nous a livré Jean Pierre Rossfelder est précieuse, on ne traduit pas Freud de la même façon lorsqu’on a l’oreille ouverte aux théories lacaniennes, ou lorsqu’on se contente simplement de lire Freud sur un plan sagittal.

Le sentiment ment. Vous pouvez être triste, vous pouvez être gai, jean qui rit jean qui pleure, tout ça c’est pareil. Ils sont réciproques les sentiments, je t’aime tu m’aimes, je te hais tu me hais. Aujourd’hui plus qu’hier, et moins que demain.

Voilà, Freud et la mélancolie, ce n’est pas une affaire qualitative, c’est la question de l’objet. C’est pourquoi cette question de la continuité qu’apporte Lacan en faisant la distinction Imaginaire et Réel d’un côté, symbolique de l’autre, est si fondamentale.

Ecoutez bien Lacan. Il nous dit : « Qu’est ce que nous montre le matériel même de ce discours de l’aliéné ? Il parle, mais ce n’est pas au niveau de ses vocables que se déroule ce sens traduit par Freud, c’est au niveau de ce qui est nommé, les éléments de nomination de discours sont empruntés à quelque chose dont vous le verrez, le rapport est tout à fait étroit avec le corps propre. »

Vous entendez le gouffre qui s’ouvre dans cette phrase ? Je reprends :  « C’est au niveau de ce qui est nommé, les éléments de nomination de discours sont empruntés à quelque chose dont vous le verrez, le rapport est tout à fait étroit avec le corps propre ». 

Où est ce que Lacan va chercher tout ça ?

Eh bien chez Schreber.

C’est par ses orifices, ses zones érogènes, lorsqu’il chie, ou lorsqu’il pisse, que les rayons divins, nerfs de volupté, se manifestent. Miracle de Dieu, dira Schreber, qui se manifeste plusieurs douzaines de fois par jour. Réunion des rayons divins, sans exception, au moment de la défécation et de la miction, que l’on cherche heureusement sans succès, ajoute t-il, à démiraculer.

Idem de sa volupté d’être « femme subissant l’accouplement », je ne sais pas s’il s’agit de la traduction exacte, car je ne suis pas certain que subir soit le terme le plus approprié, et j’opterais plutôt pour savoir, ou connaitre. Lacan reprendra plus tard le mythe de Tiresias.

En tous les cas, vous voyez la théorie de l’objet a, ressorts formels de l’homme dira Lacan, qui est là, qui affleure dans cette première leçon, elle est présente déjà dans l’élaboration de Lacan, en gestation, balbutiante, non encore nommée comme telle, mais là tout de même. Aux théories des passions, auxquelles ont succédé la théorie des pulsions chez Freud, voici que Lacan nomme bien un point du corps d’où part la folie, et ce n’est pas le colon transverse, comme Esquirol le pensait, ni la bile, ni la rate, lisez « L’encre de la mélancolie » de Jean Starobinsky, qui fût psychiatre, c’est le point du corps qui jouit à pleins tubes de ne pas être bordé par le langage, serré, dira t il plus tard, par RSI.

Passions de l’objet est la formule qui ramasse d’une courte phrase tout le trajet philosophico-psychiatrique antérieur à Lacan, d’Esquirol à Descartes, passions de l’âme, et que celui condense dans cette leçon 1.

Et  qu’il n’y a pas d’abord de la psychose sans théorie de l’objet, manie et mélancolie sortent du cadre des passions, où elles ne mènent nulle part, sauf à s’alterner en bande moebienne, et ne sont pas le contraire l’une de l’autre, bifaces, elles ne sont que l’envers uniface l’une de l’autre mais où la paranoïa, la projection de l’objet sur l’autre, devient le véritable adverse de la mélancolie.

L’objet est du côté du refoulement dans la névrose, alors qu’il est du côté de l’attente de l’expulsion dans la psychose.

C’est toute la question de la bejahung primordiale, de l’admission. Lorsque vous entrez dans un pays, vous vous déclarez à la frontière. Une fois entré, vos papiers d’admission en mains, bien malin qui pourra vous retrouver, vous êtes dans le paysage, même si vous vous manifestez de façon malfaisante, et même si certains citoyens, regroupés dans une association de défense intraitable nommée la verneinung ne veulent pas de vous et vous en dénient le droit. Sans papiers, vous vous vous trouvez dans une situation où vous êtes en permanence dans l’insécurité, et en attente d’expulsion. C’est la situation malcommode et inconfortable de la werwerfung, où vous chercherez toujours à rentrer par la fenêtre malgré tout, même si on vous en expulse par la porte..

La fenêtre c’est le Réel, et la porte c’est le symbolique, et là encore l’expression n’est pas de Lacan, Ce qui est expulsé du symbolique reparait dans le Réel, mais se trouve chez Freud : « Les rayons de Dieu schreberiens, qui se composent de rayons de soleil, de fibres nerveuses, et de spermatozoïdes condensés ensemble, ne sont, au fond, que la représentation concrétisée et projetée au dehors d’investissements libidinaux ».

Dernier point remarquable, avant de finir, c’est, à la toute fin de la leçon 1, page 30 de l’édition AFI, l’incidente que fait Lacan sur le maniement de la relation analytique, où Lacan met en garde l’analyste, de ne pas confondre le plan imaginaire et le plan symbolique. Le plan imaginaire est celui de la continuité, ça c’est une formulation essentielle de cette leçon, tout comme le plan du réel, et cela nous aide à comprendre les passages à l’acte par exemple, leur incompréhensibilité apparente, mais pas seulement. La question de l’absence de l’analyste, absence réelle, là aussi dans l’article sur le déclenchement des accès psychotiques, de Czermak, vous en trouverez des illustrations. La question du symbolique est faite d’opposés, de pas discontinus à franchir, infranchissables pour un psychotique, du moins de façon brute. Et nous devons toujours avoir cela en tête, quand nous jugeons opportun de faire une interprétation à un psychotique.

Il y a des phrases, des glissements sur le plan du symbolique, que pour cette raison du discontinu, on ne peut partager avec un psychotique.

On ne peut par exemple lui dire « Mais enfin pour qui me prenez vous, et à qui pensez vous donc vous adresser ainsi ? » car il s’adresse à vous réellement.

Si vous l’oubliez, n’ayiez aucune crainte à ce sujet.

Lui, le paranoïaque, il ne vous oubliera pas.